La CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) a récemment rappelé les règles qui encadrent la surveillance des salariés, en sanctionnant une entreprise pour pratiques excessives.
Par sa décision du 19 décembre 2024, la CNIL a infligé une amende de 40 000 € à une société du secteur immobilier qui avait mis en place des dispositifs de surveillance jugés disproportionnés. Une affaire qui permet de faire le point sur les obligations des employeurs et les droits des salariés en matière de vie privée, en vertu, notamment, du règlement général sur la protection des données (RGPD) et du Code du travail.
En France, la surveillance des salariés est encadrée par des dispositions légales visant à concilier le pouvoir de contrôle de l’employeur avec le respect des droits et libertés des employés. L’article L. 1121-1 du Code du travail dispose que « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».
▶ Toute mesure de surveillance doit être justifiée par la nature de l’activité professionnelle, et proportionnée vis-à-vis de l’objectif poursuivi.
Plus largement, l’article 9 du Code civil garantit le droit au respect de la vie privée, y compris sur le lieu de travail. Cette position a été confirmée par la Cour de cassation dans l’arrêt Nikon du 2 octobre 2001, où il a été jugé que l’employeur ne peut prendre connaissance des messages personnels émis ou reçus par le salarié via un outil informatique mis à sa disposition pour le travail, même en cas d’interdiction d’utilisation non professionnelle de l’ordinateur.
À noter : Dans l’affaire Nikon, un salarié, embauché comme ingénieur chef de département, avait été licencié pour faute grave par son employeur -la société Nikon France. L’une des raisons invoquées était l’utilisation à des fins personnelles du matériel informatique mis à sa disposition. L’entreprise avait accédé à l’ordinateur professionnel du salarié et découvert un fichier nommé « personnel » contenant des messages électroniques privés. Sur cette base, l’employeur avait conclu que le salarié exerçait une activité parallèle pendant ses heures de travail, justifiant ainsi un licenciement pour faute grave. Décision de la Cour de cassation : La Cour de cassation a annulé la décision de la cour d’appel, en rappelant un principe fondamental : un salarié a droit au respect de sa vie privée, même sur son lieu de travail et pendant son temps de travail (en vertu des article 8 de la CEDH, article 9 du Code civil, article L. 120-2 du Code du travail). ➡ Cet arrêt pose ainsi un cadre clair en matière de surveillance des salariés et de protection de la vie privée au travail. Il signifie que les fichiers ou messages identifiés comme « personnels » sur un outil professionnel bénéficient d’une protection, et que l’employeur ne peut pas y accéder librement. |
En matière de vidéosurveillance, l’employeur doit informer préalablement les salariés de l’existence et de la finalité du dispositif, conformément aux recommandations de la CNIL et à l’article L. 1222-4 du Code du travail,qui dispose qu’« aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance ».
Par ailleurs, les caméras ne doivent pas filmer les zones de pause, de repos, les toilettes. Cela est également valable pour les postes de travail des employés, sauf circonstances particulières justifiant une telle mesure, comme la manipulation d’argent ou la protection de biens de valeur. De plus, les locaux syndicaux ou des représentants du personnel ne doivent pas être surveillés par caméra.
Enfin, l’article 5.1.c du RGPD impose le principe de minimisation des données, qui signifie que l’employeur ne peut collecter et traiter que les données strictement nécessaires à l’objectif professionnel poursuivi. Le non-respect de ces obligations peut entraîner des sanctions pour l’employeur, notamment l’irrecevabilité des preuves obtenues de manière illicite, et des condamnations pour atteinte à la vie privée.
▶ En résumé, la surveillance des salariés en France doit être justifiée, proportionnée, transparente et respecter strictement la vie privée des employés.
Dans l’affaire du 19 décembre 2024, l’entreprise en question avait installé plusieurs dispositifs qui ont été considérés problématiques par la CNIL.
L’entreprise avait, premièrement, mis en place un logiciel sur les postes de travail des salariés en télétravail. Celui-ci :
Cette surveillance intrusive de l’activité pouvait enregistrer des données personnelles sensibles, comme les mots de passe ou les conversations privées.
Un système de vidéosurveillance continu dans les locaux
En parallèle, l’entreprise avait mis en place un système de vidéosurveillance qui captait en continu l’image et le son des salariés, y compris dans des espaces de pause.
La CNIL a ainsi décidé de sanctionner l’entreprise d’une amende de 40 000 €, sur la base de ces motifs :
Elle a également décidé de rendre sa décision publique, pour rappeler les principes suivants :
Par mail à l’adresse suivante
service.entreprises@adep.com
Par téléphone au numéro suivant :
Guadeloupe : 0590 38 33 00
Martinique : 0596 61 22 44
Guyane : 0594 25 11 00
La Réunion : 0262 34 03 03
Mayotte : 0269 60 24 88
Métropole : 04 67 30 72 67